Cette rencontre a été l’occasion de présenter les dynamiques locales en matière d’alimentation comme Agrilocal, le nouvel abattoir et le PAT du Pays de Chaumont.

Agriculture bio : une rencontre sur l’alimentation et les circuits courts

La deuxième rencontre inTERREalto de la Chambre d’agriculture a eu lieu le 4 juin au GAEC MDP à Vignes la Côte, une ferme bio qui a opté pour la vente directe de viande, lentilles et farines. Après une visite des différents ateliers, Philippe Collin a présenté la SCIC Ferme de la Tuilerie créée en parallèle de son exploitation pour produire de l’huile et de la farine à grande échelle et proposer des prestations de services à d’autres exploitants.

Le GAEC MDP, qui compte trois associés et un apprenti, regroupe 230 ha de grandes cultures, 230 ha de prairies et fourrages, ainsi que 170 vaches Charolaises. L’exploitation s’est tournée vers l’agriculture biologique en 2010, « pour l’aspect économique » explique Anthony Masselot, l’un des associés. « Le prix de vente de la viande était bas et il n’y avait pas de perspectives d’améliorations. Le seul moyen de mieux valoriser était d’obtenir un label et notre système assez extensif était proche du bio ».

L’année 2012 marque la fin de la conversion en bio, mais aussi le début de la vente directe. « On a commencé petit avec 4 à 5 animaux par an et distribués en colis de viande fraiche de 10 kg. Les colis étaient fait sur place le matin et distribués le soir, il n’y avait pas de stockage sur la ferme, donc pas d’investissement à faire » déclare Anthony Masselot. Mais après plusieurs années, les volumes stagnent et les éleveurs décident de trouver davantage de débouchés en proposant des steaks surgelés en 2018. « Ça a tout de suite pris, dès la première année on a vendu deux fois plus d’animaux en vente directe » indique Anthony Masselot.

Diversification


En 2023 le GAEC MDP a commercialisé 18 bêtes en vente directe, dont les deux tiers sous forme de steaks hachés (via l’abattoir de Mirecourt) et un tiers en colis de viande fraiche (via l’abattoir de Chaumont). Anthony Masselot est d’ailleurs engagé depuis plusieurs années sur la dynamique de filière autour de l’abattoir départemental. Le nouvel abattoir, sur la zone Plein Est de Chaumont, devrait commencer son activité en septembre et proposera justement un service de confection de steaks hachés aux éleveurs. Anthony Masselot est également engagé avec Unébio, une association nationale d’éleveurs bio qui assure la gestion des animaux depuis le départ en ferme jusqu’à la distribution de la viande. Une quarantaine d’animaux par an du GAEC MDP partent ainsi dans cette filière plus longue. Pour l’exploitant, maintenir une activité d’élevage est primordial : « Si on ne fait plus de viande en France, il n’y aura plus d’entretien du paysage, plus de prairies ».

La vente directe se développe avec la commercialisation de lentilles (3 tonnes vendues chaque année) en sachets de 1 kg. Puis en 2019 les éleveurs investissent dans un moulin et transforment 5 tonnes de graines (blé, seigle, sarrasin, épeautre) en farine. En 2020, en plein covid, la demande est forte : « en deux mois on a vendu l’équivalent de l’année précédente, mais maintenant les gens ont repris leur cadence habituelle. On transforme à présent une dizaine de tonnes de farine par an » indique Anthony Masselot. Le GAEC MDP fournit des magasins de Chaumont, Villers le Sec, Nogent, Joinville et travaille avec Agrilocal52. Pour Anthony Masselot la vente directe apporte son lot d’avantages : « c’est une autre façon de voir le commerce, car on a un contact et un retour direct. Il y a des clients fidèles qui viennent acheter directement à la ferme et qu’on est contents de retrouver ».

Maitriser la qualité et les prix


A Colombey les Choiseuls, l’agrobiologiste Philippe Collin s’est également diversifié en montant la SCIC Ferme de la Tuilerie qui comporte une huilerie et une meunerie. La structure travaillera en synergie avec le GIE Mennouroche (un outil collectif de séchage de graines, tri, stockage, décorticage et conditionnement) à Rochefort-sur-la-côte. Les objectifs affichés pour la Ferme de la Tuilerie pour 2024 sont de 800 tonnes pressées et 250 tonnes moulues, permettant de valoriser 100 ha de colza, 250 ha de tournesol et 100 ha de blé.

Ensemble la SCI Ferme des tuileries et le GIE Mennouroche ont formé un collectif « Les maîtres des graines » pour mutualiser leurs savoir-faire et leurs offres de graines biologiques afin de sécuriser leurs débouchés et de démarcher de nouveaux clients. En partenariat étroit avec la Minoterie Dornier, ce collectif valorise des oléagineux cultivés par 35 agriculteurs du Grand Est et de Bourgogne Franche-Comté (soit 4 000 ha engagés). Leur idée est de proposer des graines, huiles et farines variées en vrac, big bag ou fût. Les débouchés sont les industries agro-alimentaires, les centrales d’achat, les grossistes, ou encore les groupements d’achats/plateformes de restauration collective.
« Notre objectif est d’avoir des outils qui peuvent être mutualisés, mais uniquement pour transformer des gros volumes, car on ne veut pas faire d’ombre aux producteurs locaux qui ont déjà leurs circuits » indique Philippe Collin. « Des entreprises de l’agroalimentaire se rapprochent de nous, car ils veulent du fermier bio local, notamment pour répondre à leur démarche RSE, mais on travaille aussi avec la région Grand Est pour servir des zones en très forte demande comme Strasbourg ou Nancy ».

« On sait mettre en place des assolements, si par exemple demain on a une demande en lin, on lancera un appel pour en produire » explique Philippe Collin qui précise que la demande est forte en lentilles et plus généralement en protéines végétales. La demande est également très forte en tourteaux bio pour l’alimentation animale, car difficile à trouver en France. Considérant qu’un kilo d’huile produite équivaut à deux kilos de tourteaux, mettre en place des outils collectifs pour les agriculteurs bio est une évidence pour Philippe Collin : « Si on ne le fait pas, d’autres le feront, nous devons garder la valeur ajoutée sur le département. Nous sommes capables de proposer des produits bio à des prix compétitifs tout en rémunérant correctement les producteurs ».
Comme l’a rappelé Gratienne Edme-Conil, responsable filière à la Chambre d’agriculture : « le principe est de travailler ensemble sur le territoire pour y conserver et y partager la valeur ajoutée ».