Face à la multiplication des attaques de loup, les éleveurs ont manifesté devant la Préfecture le 15 janvier. Ils réclament des actes de la part de l’Administration.
Le 15 janvier la FDSEA, les JA, la FDPL, la Confédération Paysanne et la Coordination Rurale ont manifesté devant la Préfecture pour défendre l’élevage. En effet 80 brebis ont été tuées en Haute-Marne et 30 dans les Vosges en seulement 15 jours, d’après Sébastien Riottot, président de la FDSEA. Selon lui, « dans notre système d’exploitation les troupeaux ne sont pas au même endroit, les mesures de protection sont compliquées à mettre en place, surtout qu’il suffit d’un manquement pour passer à coté de l’indemnisation. Ce n’est pas une position qui est tenable à long terme, il faut stopper le loup. On veut le soutien de l’administration, on ne demande pas d’argent, on demande de l’action ».
Moyens de protection inefficaces
Louis-Baptiste Brutel a subi une attaque sur 15 de ses brebis le 8 janvier à Audeloncourt. Bilan : neuf brebis mortes, quatre ont dû être euthanasiées et deux le seront certainement car elles ont été mordues à la gorge. L’éleveur avait déjà subi une attaque en 2020 à Bassoncourt. « Je me suis installé en 2018 et j’ai pris des moutons l’année d’après. J’ai subi une attaque en 2020 et à ce moment-là je me suis posé la question d’arrêter cette production. On en est à un point où les éleveurs doivent mettre en place des moyens de protection qui ne marchent pas pour obtenir des tirs. On nous interdit de nous défendre, on marche sur la tête ! ».
Le jeune éleveur souligne que les filets fournis font seulement un mètre de haut, ce qui est insuffisant pour stopper les attaques. De plus la mise en place et l’entretien des mesures de protection est chronophage : poser les filets et les clôtures électriques, désherber au pied et couper les branches en bordure de forêt, ce qui laisse finalement peu de temps pour s’occuper des animaux. « Le problème c’est que le loup est très adaptatif, le tir est la seule solution », explique Louis-Baptiste Brutel.
« On ne veut pas éradiquer le loup, mais il faut un droit de tir quand il y a une attaque, qu’il soit effarouché » explique Stéphane Roussey, président de Cobevim. « On a eu la FCO et maintenant on a les attaques de loup, ça commence à faire beaucoup, c’est dramatique. Cela va décourager les éleveurs qui se tourneront vers une autre production, alors qu’elle intéresse les jeunes et qu’en France 55 % de la viande d’agneau est importée. On attend une prise de conscience car il y a une filière derrière avec toute une économie et un nouvel abattoir à faire tourner ».
Impact psychologique
François Meuret a subi une attaque sur quatre de ses brebis le 10 janvier à Rangecourt. « Elles ont été prises à la gorge et éventrées, deux sont mortes sur le coup et les deux autres ont dû êtres euthanasiées, le reste du troupeau est stressé. C’est la première fois que je subi une attaque et c’est très impressionnant, j’en ai pleuré », déclare l’éleveur qui souhaite que les choses bougent car « sans éleveurs, nos campagnes deviendront des friches ».
Victime de plusieurs attaques ces dernières années, Roger Bay, éleveur à Thonnance-les-Moulins, estime qu’« il n’y a pas de volonté politique. Les loups vont finir par se mettre en meute et cela va être pire, ils peuvent attaquer un veau ou une génisse ». Roger Bay met en avant l’impact psychologique d’une attaque : « le loup vient détruire notre travail, ça nous bouleverse, les jours d’après on se demande ce qu’on va trouver, on vit dans la crainte, c’est insupportable ». Il rappelle également que les indemnité couvrent uniquement la perte de l’animal, mais pas les pertes collatérales : « les frais de vétérinaire pour les bêtes qu’on peut éventuellement sauver, les agneaux qu’on n’aura plus, les avortements et les animaux qui ne repartent pas en chaleur ».
Une délégation a été reçue en Préfecture. D’après David Thenail, directeur de Cobevim, « les échanges ont été très constructifs, la préfète a pris conscience qu’il faut vite avancer ». Samuel Guenin, en charge de la prédation à la FDSEA, parle : « d’avancées significatives pour les éleveurs ayant des brebis en extérieur sur le secteur Val de Meuse et Bourmont où il y a urgence. Dans ces zones l’État s’engage à mettre à disposition des filets de protection et devrait les poser ». Pierre-Edouard Brutel, qui gère le dossier prédation aux JA, encourage les éleveurs à mettre en place des mesures de protection : « c’est le seul moyen pour obtenir des tirs de défense. Si on n’a pas le droit de tir, on n’arrivera pas à avoir ce loup qui nous pose tant de problèmes ».
Les syndicats ont demandé à l’Administration de faire des prélèvements ADN sur les bêtes prédatées, ce qui permettrait de connaître le nombre de loups présents sur le territoire. « On serait enfin en capacité d’affirmer que c’est le loup plutôt qu’un grand canidé car il y a trop de gens qui prétendent que ce sont des attaques de chiens », explique Pierre-Edouard Brutel.
Des interrogations
Le 17 janvier, soit deux jours après la manifestation, deux éleveurs du Bassigny qui avaient mis en place des filets mobiles électrifiés ont obtenu des tirs de défense simple. Un filet électrifié ou 4 fils, d’une hauteur minimum de 90 cm suffit pour faire la demande de tirs.
D’après un sondage réalisé par la Chambre d’agriculture il faudrait 40 km de clôture d’urgence pour le secteur Val de Meuse/Bourmont, mais la DDT a indiqué le 21 janvier n’avoir que 9 kits de 250 m à disposition. « Une semaine après la manifestation il n’y a rien de fait pour les mesures d’urgence, on n’a ni les clôtures, ni les moyens humains en face pour les poser. La DDT nous a conseillé de nous rapprocher du service de remplacement, mais qui va payer les agents ? », s’interroge Samuel Guenin. Concernant les tirs de défense simple, il déplore que toute la responsabilité soit sur le dos des éleveurs, qui « doivent faire les démarches auprès des louvetiers ou des chasseurs et faire le constat de tir, tenir un registre pour indiquer qui était sur ses parcelles, à quel moment et comment ». Par ailleurs, les agents de l’OFB étant en grève, c’est maintenant la DDT et la DDETSPP qui établissent les constats de dommages. « On envoie des agents qui ne sont pas habilités, cela ne pose pas de problème quand on est certain qu’il s’agit d’une attaque de loup, mais qu’en est-il quand ce sera un cas un peu compliqué ? », se demande Samuel Guenin.
Le travail est encore long, Samuel Guenin remercie Cobevim « qui va mettre à disposition des miradors à placer dans les parcelles pour pouvoir tirer le loup ».