Le congrès des maires, organisé par l’association des maires de Haute-Marne, le 27 septembre à Nogent, a été l’occasion d’évoquer la réforme du mode de scrutin des élections municipales.
Les scrutins des 15 et 22 mars 2026 éliront 4500 conseillères et conseillers municipaux haut-marnais qui désigneront 426 maires et 80 maires délégués. Pour Bernard Guy, président de l’association des maires de Haute-Marne, « l’intérêt de la participation aux élections, y compris locales, est en déclin. La loi sur la création du statut de l’élu devrait pouvoir être mise en œuvre pour les prochaines élections municipales nous dit-on et stimuler les indécis ». L’association des maires de France (AMF) est mobilisée pour qu’elle soit adoptée le plus vite possible. « On n’est pas en train de quémander quelque chose, on est en train d’exiger ce qui nous permet d’exercer dans de meilleures conditions nos mandats au quotidien », déclare Jean-François Vigier, vice-président de l’AMF, qui a exprimé plus largement les positions de l’association sur différents sujets (lire encadré).
La loi du 21 mai 2025 va harmoniser les prochaines élections municipales en imposant des listes paritaires et complètes dans toutes les communes. Auparavant les communes de moins de 1000 habitants n’étaient pas concernées par la parité et le panachage était possible.
Alors que 92 % des communes haut-marnaises ont moins de 1000 habitants, Bernard Guy estime que cette évolution va « au moins poser de lourdes contraintes, au pire dresser des barrières infranchissables ». Rappelons que si aucune liste n’est présentée il n’y a pas d’élection et une délégation spéciale de la Préfecture gère les affaires courantes de la commune.
Parité obligatoire
Le sénateur Bruno Sido estime que cette nouvelle loi découle d’une « méconnaissance de la réalité du terrain ». Selon lui dans certaines communes « il n’y aura qu’une seule liste car ce sera difficile d’en faire deux, où est la démocratie ? ». La sénatrice Anne-Marie Nédélec indique qu’« il y a des conseils municipaux qui fonctionnent très bien sans la parité. Je pense qu’aujourd’hui une femme qui veut se présenter ne rencontre pas trop d’obstacles pour le faire, c’est le coté obligatoire qui me gène ».
Pour la députée Laurence Robert-Dehault : « il y a un combat permanent pour cette parité qui dépasse la simple politique, peut-être est-ce un côté idéologique de vouloir à tout prix que les femmes aient leur place ? Des femmes vont venir sur une liste alors qu’elle n’ont pas vocation à le faire, finalement pour rendre service (…) Il y a aussi des conseils municipaux où il y a plus de femmes que d’hommes, on va devoir leur dire de laisser la place. On arrive à des aberrations ». Sur la suppression du panachage, elle considère que « si on présente une liste avec un nom qui déplait, les électeurs ne se déplaceront même plus ». Yvette Rossigneux, maire de Giey sur Aujon, pense qu’« imposer la parité devient quasiment insultant pour nous les femmes », jugeant que les femmes ont la possibilité de s’investir si elles le souhaitent.
En réponse, le maire de Reynel Gilles Desnouveaux, lance que « si le vote des femmes n’avait pas été imposé, aujourd’hui elles ne voteraient toujours pas ». Claude Gagneux, maire de Orges, a réussi à avoir la parité « alors qu’on est une commune de 360 habitants, tout le monde peut le faire ». Nicolas Lacroix, président du Conseil départemental, assure que « la parité a apporté du plus à l’Assemblée départementale qui ressemble davantage à l’image des haut-marnais ».
« Délai trop court »
Franck Leroy, président du Conseil Régional, indique que « ça c’est très bien passé » quand la parité a été imposée dans les communes au début des années 2000. Par ailleurs l’ancien maire d’Epernay indique qu’« un candidat qui a la possibilité de constituer sa liste a beaucoup moins de chances d’avoir des tensions dans son conseil municipal ». Pour lui le défaut de cette loi est le court délai d’application : « il fallait qu’on le sache 5 ou 6 ans avant », estime-t-il.
Romary Didier, maire de Val-de-Meuse regrette que la parité ne s’étende pas aux conseillers communautaires. « Les parlementaire auraient dû aller jusqu’au bout de choses », déclare-t-il. Par ailleurs il soulève un problème pour les communes ayant beaucoup de villages associés : « il faut mettre une personne de chaque village et pour respecter la démocratie il faudrait idéalement au moins deux listes. Mais il se pourrait qu’un jour certains villages ne soient pas représentés au conseil municipal ».
Pour Bernard Guy le problème de cette loi n’est pas la parité, précisant d’ailleurs qu’il n’y a « pas de mixité entre le maire le premier adjoint, c’est les limites de la loi ». Pour le maire de Saint-Blin la difficulté provient des listes complètes bloquées car s’il n’y a qu’une seule liste aux élections il estime qu’en plus de limiter le choix des électeurs, cela ne va pas inciter à aller voter puisque cette liste sera obligatoirement élue. Au niveau national, l’AMF a considéré que « le calendrier n’était pas bon car on est beaucoup trop près des élections pour adopter cette loi », rapporte Jean-François Vigier.
Les maires ruraux favorables à la loi
En revanche l’association des maires ruraux de France (AMRF) est favorable à cette loi. « L’AMRF est très innovante dans toute sa réflexion par rapport à la position de la femme en tant qu’élue. Le statut de la femme est quelque chose qui nous intéresse énormément. Nous avons par exemple un référent pour les violences conjugales dans nos communes », déclare Christiane Welti, maire de Rives Dervoises et adhérente à l’AMRF 52. « Les maires attendent avec impatience ce scrutin pour pouvoir travailler avec les élus qui font partie de leur liste et avoir un travail constructif avec une belle majorité dans leur conseil. On a beaucoup d’élus en milieu rural qui ont du mal à travailler parce qu’ils ont dans leur conseil des élus qui sont dans la contestation et pas dans la proposition. Et rien n’empêche d’avoir une deuxième liste si les gens contestent ».
La préfète Régine Pam rappelle que la Haute-Marne compte 24 conseillers municipaux pour 1000 habitants contre 7 pour 1000 au niveau national, « cela signifie qu’une grande partie de la population s’investit pour les autres dans le cadre d’un mandat », explique-t-elle. « Les changements de règles du scrutin ne sont pas une fatalité. La constitution d’équipe en amont de ces élections est peut-être l’occasion de créer davantage de réflexion et de cohésion autour des projets ou des décisions qui seront portées lors de cette mandature et de recentrer les campagnes sur le “quoi faire“ plutôt que “qui pour faire“. Ce qui compte c’est l’engagement, la volonté d’agir, l’intérêt général et la préservation de notre démographie », conclut Régine Pam.