Alors qu’il pleut abondamment depuis des mois, de violents orages ont éclaté le 29 juin accompagnés de fortes précipitations et parfois de grêle. La gravité exceptionnelle de ces intempéries a de lourds impacts en agriculture. Témoignages.
Claude Malingre, agriculteur à Bettoncourt-le-Haut
« Sur notre secteur nous avons eu entre 100 et 150 mm d’eau en deux heures, avec à certains endroits de la grêle, du vent, des arbres arrachés. Les intempéries ont impacté des milliers d’hectares sur des dizaines de communes aux alentours. Je n’ai jamais vu ça. Cela va être compliqué pour les éleveurs qui ont leurs bottes de foin dans l’eau ou des bêtes dans les parcs. Les céréales sont aplaties au sol et nous ne sommes pas prêts de les récolter. Va-t-on seulement pouvoir le faire, car dans certaines vallées on a un mélange de terre et de cailloux. Les blés sont déjà malades à cause de l’excès d’eau depuis le mois d’octobre, ils seront donc déclassés. Les rendements en orge d’hiver sont à peine de 50 quintaux sur les quelques parcelles récoltées à Joinville et Poissons. La météo n’est pas propice à la récolte, il faudrait du beau temps pendant quelques jours pour que ça ressuie et qu’on puisse rentrer dans les parcelles avec les machines. Mais quelle quantité va-t-on récolter et surtout quelle qualité ? Est-ce que les cultures vont pourrir ? Le problème c’est que les assurances prennent en référence les rendements, mais avec l’accumulation des incidents climatiques, notamment les sécheresses, ceux-ci ne font que diminuer. Moins on fait de rendement, moins on est indemnisé. Alors quelle vont être les conséquences ? Je pense qu’il va y avoir de gros problèmes de trésorerie dans certaines exploitations. Est-ce qu’il ne faudrait pas que les banques apportent des solutions ? Cela devient dramatique, les aléas climatiques deviennent de plus en plus extrêmes et demain ce sera pire ».
Raphael Péchiodat, agriculteur à Faverolles
« Il était déjà tombé 120 mm d’eau en deux heures la semaine d’avant à Saint Loup sur Aujon. Les clôtures des pâtures ont été arrachées et il a fallu enlever les animaux, c’était une catastrophe. Et maintenant nous avons eu 85 mm samedi dernier alors que les foins ne sont pas faits, car les terres sont trop humides et on ne pourra pas y aller avant longtemps. Si cela continue, nous les ferons au mois d’août. C’est une année catastrophique, les tournesols ont moisi, les maïs, les blés et les prairies sont sous l’eau. Cela fait craindre des problèmes de qualité des cultures, et pour les fourrages on va carrément vers la catastrophe. Nous avons une perte de qualité et de rendement, et en plus les assurances ne couvrent pas. Comment fait-on pour payer nos charges ? Nous avons installé un jeune il y a deux ans et on est inquiets pour l’avenir. Il y a tellement de pluie que même sur les plateaux cela devient très compliqué. Nous devons nourrir les bêtes dans les parcs en leur donnant du foin comme si on était au mois d’octobre. De plus les animaux sont en train de détruire les prairies, car ils les piétinent alors que c’est trop humide. Mais on n’a pas de solution, on est impuissants. C’est une année qui va laisser des séquelles dans les fermes ».
Sandrine Brauen, agricultrice à Parnoy en Bassigny
« Il est tombé entre 70 et 100 mm d’eau sur le canton de Bourbonne les Bains. Toutes les vallées sont inondées, les ruisseaux sont gorgés d’eau. Il n’y a même pas 10 % des exploitants du secteur qui ont fait les foins et la qualité ne sera pas là alors qu’il y a beaucoup d’éleveurs de vaches allaitantes ou de vaches laitières pour de l’emmental Grand Cru. Cela va être compliqué pour l’hiver prochain. J’ai fait un petit peu de foin, mais on s’enfonce avec les machines, car la terre est trop meuble. D’après un éleveur ovin, les animaux dans les prés ne se portent pas trop bien, ils ne prennent pas suffisamment de poids. Concernant les cultures elles n’étaient déjà pas très propres, mais maintenant elles sont couchées. On redoute le résultat de la récolte, mais il n’y aura pas de qualité. Je pense que la moisson se fera avant les foins tellement les terres ne portent pas. La récolte va être compliquée, on risque de faire d’énormes ornières dans le sol, ce qui va forcément impacter la récolte de l’année prochaine. On est dans le doute ».
Hervé Foissey, agriculteur à Blancheville
« Nous avons eu entre 120 et 125 mm d’eau le week-end dernier avec un peu de grêle. On a de la verse dans les cultures, surtout les blés. A une journée près on attaquait la moisson, cela va reporter la date de la récolte alors qu’on n’a même pas terminé la fenaison.
Une partie des orges d’hiver qui était bonne à récolter a versé ou cassé à cause de la grêle et de l’énorme quantité d’eau qui est tombée. Il va y avoir de la perte et la qualité ne sera pas au rendez-vous. On a déjà vu des périodes humides, y compris à la veille de la moisson, mais pas pendant plusieurs mois d’affilés. C’est une situation inédite. La suite des évènements va être très compliquée. Le moral est plus qu’en berne ».