A l’occasion d’Agrimax, la commission régionale des agricultrices a abordé un thème qui concerne l’ensemble du monde agricole : l’installation et la transmission. Le départ en masse à la retraite de 50 % des agriculteurs français dans les dix ans à venir pose question.
La traditionnelle conférence de la commission régionale des agricultrices lors du Salon Agrimax a invité autour de la table : Cathy Fièvre-Pierret, présidente de la commission nationale des agricultrices, Caroline Cibert, directrice du lycée agricole de Courcelles-Chaussy, Véronique Gandar et Linda Steffen, agricultrices en Moselle, et Rémi Mayaux, président du PAI Grand Est. « Agrimax est une vitrine du monde agricole en Grand Est, nous profitons de ce rendez-vous pour donner la parole aux agricultrices » a expliqué Brigitte Paquin, la présidente de la commission régionale des agricultrices de la FRSEA.
Une installation, un profil
Au départ en retraite de son père, Linda Steffen a retroussé ses manches pour reprendre l’exploitation, après 15 ans vécus en tant que salariée agricole. « Une ferme familiale constitue un gros atout qui rend la tâche plus facile par rapport à un hors cadre familial. J’ai été très entourée sur le plan personnel ou professionnel. J’ai accompli mon stage 21h et mon stage RH, j’ai appris beaucoup de choses utiles, et rencontré des personnes très intéressantes et j’ai pu bénéficier des aides financières ». En revanche, elle avoue que la transmission a été difficile à aborder avec son père. « Nous avons deux caractères forts, nous sommes de sexe différent… c’est pour cette raison que j’ai un peu tardé et attendu qu’il soit en retraite pour me lancer » a souri l’agricultrice.
Presque 40 ans auparavant Véronique Gandar a rejoint son époux sur l’exploitation, mais sans y être installée. « Je ne connaissais rien au monde agricole. Je ne savais pas ce qu’étaient des vaches ou des céréales. J’ai tout appris sur le tas. Nous avons avancé ensemble dans l’évolution de notre exploitation. Roland en tant que chef d’exploitation et moi en tant que conjointe collaboratrice pendant 17 ans. Ensuite nous avons étudié la question de mon avenir. C’est à partir de ce moment-là que je suis devenue salariée à temps plein. Aujourd’hui je suis en EARL avec mon fils ». Véronique estime que l’homme a toujours du mal à considérer la femme comme agricultrice. « Ma façon de m’installer m’apparaît plus bénéfique que par un parcours plus scolaire. Même si j’encourage les jeunes filles à le faire, je ne sais pas si je serais arrivée au même résultat et si j’aurais eu le courage d’aller au bout ». A noter que Véronique a tout de même suivi le stage 200 h de l’époque et des formations en comptabilité.
Cathy Fièvre-Pierret a retenu le côté passionné de ces deux femmes. « Une nouvelle génération arrive avec différents profils et chacune son histoire. L’objectif de la FNSEA est d’emmener tout le monde, ne perdre personne en chemin et donner les moyens à toutes ». 6.000 femmes se sont installées en 2022, au-delà de l’âge de 40 ans. « Je souhaite redonner une image de la profession féminine, car j’ai trop souvent entendu dire qu’on ne pouvait pas être femme dans ce milieu. J’essaie de faire comprendre qu’être agricultrice permet aussi d’avoir une vie à côté, comme toute autre cheffe d’entreprise ».
Stabilité de l’installation chez les femmes
Rémy Mayaux a décrit son parcours à l’installation : BPREA et BTS ACSE interrompu. « Je me suis rapidement tourné vers le PAI (Point Accueil Installation) avec qui j’ai réalisé mon parcours, avant de reprendre la ferme familiale en 2023 ». Le jeune agriculteur a connu une transmission quelque peu forcée à la suite de divers problèmes familiaux. Transmission tout de même facilitée puisqu’elle se préparait depuis 2016. Son père, bien décidé à quitter l’exploitation, n’a finalement pas décroché et travaille encore aujourd’hui aux côtés de son fils à mi-temps.
En tant que président du PAI Grand Est, Rémy indique : « Depuis 2020, l’installation des femmes porteuses de projet reste stable : 36 % en 2020 contre 34 % aujourd’hui. 28 % s’installent en grandes cultures, 10 % en élevage laitier, 10 % en équins… Et on voit de plus en plus d’installation de femmes en maraîchage depuis deux ans ». Rémy a expliqué le PAFIT (Point accueil formation installation transmission). « Nous avons voulu faire en sorte qu’il n’y ait plus qu’un seul guichet. Mais aujourd’hui nous n’avons pas eu le temps de voir naître le PAFIT que le FSA (France service agriculture) est déjà né, avec quelques incertitudes. Nous sommes toujours en attente ».
Accompagner la montée en compétences
Caroline Cibert décrit le profil et les objectifs des jeunes femmes sur les bancs du lycée agricole et rappelle qu’il faut encourager tout le monde. « Ma grand-mère était, selon la gent masculine, pas en capacité à conduire une exploitation. En revanche, elle était bien présente pour venir en aide sur tous les travaux. Derrière chaque agriculteur, il y a une femme » a rappelé la directrice. « J’explique aux jeunes que nous les préparons à des métiers qui demandent passion et engagement, les plus beaux métiers du monde ». Actuellement dans l’enseignement général des filles, leur place s’est vraiment révélée. « Nous constatons une égalité fille-garçon dans l’enseignement technique. 61 % des filles accèdent à l’enseignement supérieur alors qu’en 1975 elles ne représentaient que 20 %. Elles rejoignent plutôt la filière vétérinaire, moins présentes dans la filière ingénieur. Pour autant, il y a des formations très genrées. Dans les métiers de la production animale, on retrouve un équilibre qu’il n’y a pas en agroéquipement ».
Pour Cathy Fièvre-Pierret : « Il reste beaucoup à entreprendre pour promouvoir les formations et les métiers agricoles. Et les agricultrices ne sont pas toujours informées du recours possible aux Services de remplacement pour aller en formation ou en réunion. C’est pourquoi, nous portons un amendement pour augmenter le crédit d’impôt famille à 80 % pour engagement dans le bénévolat ou le syndicalisme sur leur territoire. Pour financer la garde d’enfants ou des heures de ménage ». Et de conclure sur la méconnaissance du milieu par la société et les jeunes. « Être agriculteur c’est être innovant. L’attractivité passe par le numérique. La pénibilité a évolué dans le bon sens et les agricultrices ont des compétences ; elles sont des couteaux suisses. Il faut croire en les jeunes ».