La commission des agricultrices de la FDSEA s’est réunie le 14 mai pour une journée de convivialité. La matinée était consacrée à l’installation, aux régimes matrimoniaux et à la transmission.
« La défense des droits de la femme au niveau agricole est un gros combat. On a un statut atypique » déclare Sandrine Brauen, présidente de la Commission départementale des agricultrices (CDA) de la FDSEA. L’éleveuse a rappelé l’utilité de la Commission nationale (CNA), qui a obtenu en 2010 la possibilité de construire un GAEC entre époux. « Aujourd’hui les exploitants en retraite touchent 85 % du Smic mais ce n’est pas le cas des conjointes ou des aides familiaux. La CNA se bat pour que les conjointes qui n’ont pas eu de statut puissent avoir une retraite décente ».
La CDA participe aussi à la Commission régionale. « C’est toujours très intéressant d’avoir des échanges, on voit ce qu’il se fait dans les autres départements, cela donne des idées et cela crée du lien » explique Sandrine Brauen qui prévoit d’envoyer une délégation haut-marnaise à un rallye organisé dans des fermes Meurthe et Mosellanes en septembre. « L’idée est d’aller voir des jeunes femmes qui se sont installées sur des structures différentes ».
Sandrine Brauen est revenue sur les élections de la Chambre d’agriculture, qui auront lieu l’année prochaine. « Il faut commencer à y réfléchir, à en parler autour de vous, il faut s’impliquer dans la Chambre car elle appartient aux agriculteurs. Il est très important d’aller voter car le fait d’être représentatif dans les élections nous permet de siéger dans les commissions, de s’exprimer et de faire remonter les infos ».
Installation et transmission
Etant donné que 30 % des exploitants partiront en retraite d’ici 2026, le renouvellement des générations est un enjeu majeur au sein du monde agricole. Selon une étude de la DRAAF et de la MSA, alors que le Grand Est comptait 28 600 agriculteurs et 8 900 viticulteurs en 2019, ils ne devraient être plus que 23 000 agriculteurs et 7 000 viticulteurs en 2029, soit une baisse de 17 % en 10 ans. En Haute-Marne, cela représente une perte de 380 chefs d’exploitation.
En 2021, notre département a enregistré 120 départs pour 80 installations. « On a beaucoup de départs en retraite et en plus on a des coûts importants de transmission des entreprises, il faut donc anticiper sa transmission au moins 10 ans avant » souligne Marie Geoffrin-Denys, conseillère à la Chambre d’agriculture. En effet, le coût d’une installation en Haute-Marne est de 474 000 euros en moyenne, dont environ 200 000 euros consacrés au transfert des capitaux.
La Dotation Jeune Agriculteur (DJA) a été réformée. Depuis le 19 septembre 2023, c’est le conseil Régional Grand Est qui a repris la gestion du dispositif. Les aides sont maintenant déclinées en AIA (Accompagnement à l’installation en agriculture) pour les personnes âgées de 18 à 40 ans et l’AINA (Aide à l’installation du nouvel agriculteur), pour les 41 à 50 ans. « La volonté a été de simplifier le dispositif, de le rendre plus clair, mais aussi avec des conditions d’éligibilité pour avoir des projets viables et sécurisants » explique Marie Geoffrin-Denys, qui précise qu’il est possible de bénéficier des aides avec un complément d’activité.
Enjeu national
Face à ces enjeux d’installation et de transmission, le ministère de l’Agriculture s’est saisi de la question à travers le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture. Il se compose de quatre axes : réconcilier agriculture et société ; faire émerger une nouvelle génération d’agriculteurs et placer l’agriculture à l’avant-garde de la transition alimentaire ; reconcevoir les systèmes de production à l’échelle des exploitations pour pouvoir accompagner les transitions nécessaires pour la transition alimentaire ; reconcevoir nos systèmes de production à l’échelle des filières et des territoires pour pouvoir accompagner les transitions nécessaires pour la souveraineté alimentaire.
Le ministère souhaite mettre en place en 2025 les espaces France Service Agriculture. Sur le même modèle que les maisons France Service pour les démarches administratives, ces structures seraient un guichet unique d’accueil pour l’installation et la transmission, mais aussi la formation et le salariat. L’État souhaite « faire des nouvelles installations et des transmissions, des accélérateurs de transitions en refondant leur accompagnement », via des diagnostics ou des droits à l’essai, une réforme juridique visant à faciliter la transmission des exploitations. Deuxième levier du gouvernement : « améliorer les conditions d’exercice et d’attractivité des métiers agricoles pour les actuels et futur actifs agricoles », avec des réformes qui concernent les services de remplacement, l’affiliation à la MSA ou encore le calcul des retraites. « Si on veut attirer de nouveaux agriculteurs il faut que l’on montre que le métier est intéressant et valorisant. Il y a toute la question du bien-être des agriculteurs et la qualité de travail qui sont aussi en jeu » déclare Marie Geoffrin-Denys. Enfin, le ministère souhaite « garantir l’accès au foncier et aux capitaux lors du projet d’installation et favoriser les investissements ».
Nouveau profil
Après avoir détaillé les différentes étapes du parcours à l’installation, qui débute par le Point Accueil Installation (PAI), Marie Geoffrin-Denys a présenté le Répertoire Départ Installation (RDI) qui met en relation les cédants et les candidats à l’installation. Mais la conseillère constate « un décalage entre les profils des porteurs de projet, qui cherchent plutôt des fermes à reprendre, et d’un autre côté des offres avec des gens qui cherchent surtout des associés ». 47 % des gens rencontrés au Point Info Transmission (PIT) ont au moins 63 ans, ce qui est beaucoup trop tard pour préparer sa transmission.
Marie Geoffrin-Denys a terminé sa présentation par quelques chiffres sur l’installations aidée (39 l’année dernière en Haute-Marne). Un quart des porteurs de projet sont des femmes pour un âge moyen de 29 ans. « Au vu des enjeux aujourd’hui au niveau environnemental, juridique et économique, qui demandent beaucoup de compétences, il est indispensable d’être bien formé, il faut encourager les jeunes à faire des études ». De plus en plus de porteurs de projets sont double actifs. 25 % des projets sont en agriculture biologique et 15 % des installés sont hors cadre familial. « Aujourd’hui l’agriculture va devoir compter sur des gens hors cadre familial si elle veut renouveler ses générations. Mais avec des capitaux à investir très importants, ces jeunes-là n’ont pas forcément les finances. D’où l’idée d’anticiper un maximum sa transmission pour essayer de préparer les choses » poursuit la conseillère. D’ailleurs ceux qui n’ont pas les moyens de reprendre des fermes de polyculture élevage préfèrent créer une petite activité, ce qui explique que la création d’entreprise représente un quart des installés.
Valérie Lavey, directrice adjointe de la FDSEA, a ensuite présenté les différents régimes matrimoniaux et la transmission de l’exploitation, du patrimoine et du foncier. Après un repas convivial, les agricultrices sont allées visiter les Jardins de mon Moulin à Thonnance les Joinville. Elles envisagent de se retrouver à l’automne pour une réunion de présentation des différentes commissions de la FDSEA et de la Chambre d’agriculture.