Le syndicat départemental des propriétaires privés ruraux (SDPPR) a tenu son assemblée générale le 30 mai à la Maison de l’Agriculture. Le président de la Fédération nationale, Bruno Keller, a plaidé pour un nouveau partenariat entre exploitants et investisseurs.
La première assemblée générale conduite par la nouvelle équipe du SDPPR 52 (renouvelée en juillet 2023) a attiré du monde le 30 mai à la Maison de l’Agriculture. « Votre présence marque l’intérêt croissant pour la propriété rurale » a introduit la présidente Marylène Gillot. Le syndicat porte la voix des propriétaires fonciers dans de nombreuses instances. « Nous poursuivons nos efforts pour défendre vos droits et pour surtout pour les faire respecter » insiste la présidente qui prône « le respect de la loi et le respect de tous, nous avons besoin des terriens, mais aussi des exploitants ».
Le syndicat fait savoir qu’il tient désormais ses permanences les 1er et 3e mercredis de chaque mois (et non plus les mardis), sur rendez-vous, à la Maison de l’Agriculture. Ces rencontres peuvent servir à faire des médiations, car trouver une solution à l’amiable est bien moins couteux en temps et en argent qu’une procédure au tribunal. « Certains dossiers mettent 6 ans à trouver une solution, qui parfois ne satisfait personne. Mais en médiation tout peut s’arranger » explique François Bockstall, administrateur. Il conseille « d’avoir de bons rapports avec son fermier, il faut trouver un équilibre ». Par ailleurs le syndicat a fait modifier ses statuts. Les membres du conseil d’administration sont maintenant élus pour 3 ans, avec un renouvellement par tiers tous les ans. Ils étaient auparavant élus pour 6 ans, ce qui ne facilitait pas leur renouvellement.
Gestionnaires des territoires
L’agriculture représente 28 millions d’hectares en France (dont 70 % sont sous le statut du fermage), pour un prix moyen de 6000 €/ha, ce qui représente une valeur de 168 milliards d’euros. Partant de ce constat, Bruno Keller estime que « le foncier devrait être aussi bien traité qu’un certain nombre d’investissements financiers ». Selon le président de la Fédération nationale (FNPPR), « nos enfants ne reprendront pas demain des propriétés qui ne sont pas viables, qui sont une source de tracas et qui correspondent moins aux modes de vie d’aujourd’hui. Nous devons absolument devenir des gestionnaires de notre territoire. Notre rôle est de préserver, entretenir, faire fructifier, valoriser et transmettre ».
En France, plus de la moitié des propriétaires terriens a plus de 65 ans. « C’est l’heure du changement » indique Marylène Gillot. « Face au droit rural qui est difficile et au peu de rentabilité que nous avons sur ces terres, les jeunes générations sont parfois amenées à céder leur foncier, et pas forcément aux personnes qu’elles veulent. Il faut redonner l’intérêt du foncier agricole aux jeunes, sinon on va vers une catastrophe nationale. Les meilleures terres sur le marché risques d’être achetées par des investisseurs financiers. Il y a 18 millions d’hectares loués chaque année, s’ils sont loués à des sociétés ou a des personnes inconnues, quels seront les rapports que nous, propriétaires, nous aurons avec nos locataires ? ».
10 millions d’hectares vont changer de main
Dans les 10 prochaines années, 160 000 agriculteurs vont partir en retraite, dont 40 % dans les deux ans. Ainsi, 10 millions d’hectares de terres vont changer de main d’ici la prochaine décennie. Pour Bruno Keller, il est important d’agir : « le projet de loi d’orientation agricole (PLOA) ne comporte rien sur la problématique du foncier. On fait une loi agricole et on oublie le foncier ou alors on ne veut pas le regarder car ce chiffre de 10 millions d’hectares fait peur. Mais il faut s’attaquer au problème du foncier car si on ne fait rien, cela va être la porte ouverte à des ventes, des friches ou des investisseurs étrangers ».
La FNPPR considère que le rachat du foncier par les exploitants est irréaliste et irresponsable à cause d’un trop fort poids de la dette. « Si on prend l’exemple d’une ferme de 150 ha à 3000 €/ha, cela veut dire que l’exploitant agricole a déjà 450 000 euros de dettes avant même d’avoir mis le pied dans sa ferme » souligne Bruno Keller. Selon lui, si les Groupements fonciers agricoles d’investissement peuvent être une solution spécifique, ils ne sont en aucun cas une solution globale.
« Personne ne va investir pour avoir une rentabilité zéro, avec une liquidité au départ qui n’existe pas, et une revalorisation des parts qui n’existe pas si le foncier sous-jacent ne se revalorise pas ». Le président considère qu’il faut mettre en place un nouveau partenariat exploitant/investisseur. « La seule solution est d’engager une concertation avec les propriétaires fonciers actuels pour qu’ils aient envie de garder leurs terres et les transmettre, et que s’ils doivent vendre, qu’il y ait des investisseurs français qui ont envie d’acheter ».
Trop de contraintes
Les propriétaires pointent les contraintes liées au statut du fermage. « Aujourd’hui on n’est pas libre de choisir l’exploitant agricole qui va exploiter nos terres. Quand un locataire s’en va et qu’on en reprend un nouveau, on devrait faire un nouveau bail, comme dans l’immobilier » déclare Bruno Keller qui souligne que cette mesure n’aurait aucun impact fiscal pour l’Etat. Par ailleurs il dénonce les augmentations des taxes foncières (+14 % en trois ans) qui « grignotent chaque année le montant du statut du fermage », conduisant a « des rentabilités extrêmement faibles ».
Autre problème soulevé : le droit de préemption des Safer, qui ne devrait « pas s’appliquer à des petites surfaces » d’après Bruno Keller. « Beaucoup d’agriculteurs ont acheté des hectares en vu de financer leur retraite et se retrouvent coincés. Ils pourraient les vendre à un voisin qui est prêt à payer plus cher car c’est un prix de convenance, mais ils ne peuvent pas parce que la Safer les en empêche ».
Alors que les élections des Chambres d’agriculture auront lieu en janvier 2025, la FNPPR regrette que les propriétaires ne disposent que d’un seul siège d’administrateur (sur trente en moyenne), alors qu’ils financent, via la taxe sur le foncier non bâti, « entre 15 et 30 % du budget d’une Chambre d’agriculture ».
L’assemblée générale s’est terminée par l’intervention de Philippe François, ancien notaire, qui a présenté les différentes possibilités de transmettre les biens fonciers.