Une gigantesque centrale solaire flottante est actuellement en construction aux anciennes gravières Blandin à Perthes, au nord de la Haute-Marne. La puissance installée sera de 74,3 MWc, de quoi alimenter en électricité 37 000 personnes par an.
Q Energy, l’initiateur du projet, annonce des chiffres impressionnants pour cette centrale solaire flottante : près de 135 000 panneaux solaires pour 200 000 flotteurs, 156 onduleurs répartis directement sur les flotteurs, 5 postes de livraison et 16 transformateurs. Les panneaux solaires sont montés sur des structures flottantes solidement ancrées. Ces structures sont composées de lignes longues de 67 mètres et comportant 27 panneaux solaires chacune. Au total la centrale couvrira 45,5 ha sur les 127 ha que comptent ces anciennes gravières, situées à Perthes.
Adèle Leprêtre, cheffe de projet développement chez Q Energy, raconte : « Ce projet a été initié en 2019 par la signature d’un bail avec les établissements Blandin, l’entreprise familiale propriétaire de la carrière. On a ensuite procédé à une année d’étude environnementale. On a déposé le permis de construire en 2020 et la construction de la centrale a démarré en 2023. Le chantier devrait s’étaler sur 18 mois, pour une mise en service prévue début 2025 ». A terme, six îlots flottants vont être construit sur les sept bassins existants, pour une puissance installée de 74,3 MWc (dont 2 MWc au sol). Ce qui en fera la centrale solaire flottante la plus grande d’Europe, le record étant détenu par une installation de 41 Mwc (quasiment deux fois moins !) aux Pays-Bas.
1200 panneaux par jour
« Ce site a été choisi pour plusieurs raisons. Tout d’abord il n’était plus utilisé, donc il n’y a pas de conflit d’usage. Ensuite les bassins sont très rectilignes, c’est un avantage pour la technologie flottante. Enfin, il y a une très grande surface disponible ce qui permet d’installer une puissance intéressante et donc d’avoir une rentabilité sur un projet flottant avec un raccordement qui est à 15 km » détaille Adèle Leprêtre. L’ensoleillement étant plus faible dans le nord que dans sud de la France, c’est donc bien la surface de la centrale qui permet de trouver un équilibre dans ce type de projet. Surtout qu’une installation solaire flottante est plus onéreuse (+20 % d’investissements) que son équivalent au sol. Mais en 2022, le projet haut-marnais est lauréat d’un appel d’offres de l’État, lui permettant de bénéficier d’un tarif de rachat d’électricité garanti pendant 20 ans.
Une soixantaine d’ouvriers est à l’oeuvre sur le chantier. « On travaille sur trois réservoirs en même temps, une fois l’ancrage réalisé, les équipes sont capables de poser 1200 panneaux solaires par jour. On a réussi a maximiser l’espace disponible en inclinant les panneaux à 5 degrés » explique Vincent Grumetz, directeur exécutif chez Ciel et Terre, l’entreprise en charge de la structure flottante. Il compare le chantier a un jeu de construction : « ce sont des pièces en plastique que l’on assemble entre elles, c’est un grand Légo pour adulte ».
Nature préservée
Q Energy annonce « 18 000 t de CO2 économisées chaque année ». Les modules limitent la vitesse du vent à la surface de l’eau, ce qui réduit l’érosion des berges et préserve la végétation environnante. Les éléments flottants solaires sont entièrement recyclables et n’ont aucun impact sur la qualité de l’eau. Daphnée Boucquet, directrice de Ciel et Terre, rappelle les nombreux engagements environnementaux : « On a des suivis de la qualité de l’eau, avant et pendant le chantier, d’autres seront aussi réalisés pendant la phase d’exploitation pour pouvoir comparer les données ».
« Le taux de couverture total des bassins se situe autour de 50 %. Ce n’est pas complètement ombragé, les panneaux laissent passer de la lumière, donc en réalité il n’y a que très peu d’impact sur la qualité de l’eau et l’écosystème du bassin. Au contraire, avec le réchauffement climatique on s’aperçoit que les poissons apprécient l’ombre amenée par la centrale » ajoute Vincent Grumetz. Il n’y a donc pas de conflit d’usage entre la centrale et la vie aquatique. « On a des sites avec une zone pour la pêche ou des activités récréatives et cela fonctionne très bien ».
30 ans d’exploitation minimum
La durée d’exploitation du site est comprise entre 30 et 40 ans. En fait, la fraicheur de l’eau améliore non seulement le rendement, mais aussi la durée de vie des panneaux solaires (qui sensibles aux fortes chaleurs). Des organes de monitoring sur toute la centrale permettront de suivre la production et déclencher une intervention en cas d’anomalie. Par exemple un nettoyage des panneaux quand la centrale sous-performe. Une opération réalisée par des robots télécommandés pour éviter les risques d’accidents. Des allées de maintenance sont toutefois présentes sur la structure flottante pour pouvoir intervenir en cas de besoin.
Q Energy a également un projet mixte (panneaux flottants et terrestres) dans d’anciennes carrières dans la Marne à Matignicourt-Goncourt, à quelques kilomètres de là.